Culte 27/03/2022

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Mathieu 14.13-21

Jésus nourrit 5000 hommes. Cette histoire nous est familière, du moins pour la plupart d’entre nous.  Au-delà de son imprégnation dans notre mémoire, qui n’est pas sans importance, ce sont les regards que nous portons sur le comportement des disciples ce jour-là  qui me semblent édifiants.

Autant le comportement de Jésus est tout à fait habituel – comme à l’accoutumée il enseigne, il prodigue des conseils aux gens, il guérit – autant l’attitude des disciples paraît en décalage par rapport à l’enseignement qu’ils reçoivent de leur maître. Il faut d’ores et déjà souligner que l’image que les disciples donnent à voir dans cette histoire renvoie à notre propre image de croyants, de chrétiens, d’hommes et de femmes de foi confrontés à la réalité de notre quotidien,   tiraillés entre les conditions humaines et l’exigence de la parole. L’inquiétude des disciples devant la nuit qui tombe, l’obscurité qui avance d’un pas inexorable, c’est aussi notre propre angoisse, notre propre doute non pas sur notre foi en Jésus-Christ notre sauveur, mais plutôt sur sa promptitude à agir dans l’immédiat, pour résoudre de manière instantanée nos problèmes. 

A vrai dire, les vicissitudes de la vie ne nous laissent pas en paix, le climat général de notre société génère de la frustration, freine le sens du partage sauf en cas d’urgence comme aujourd’hui où la mobilisation est forte pour accueillir les réfugiés de guerre.   Bref, les disciples osaient suggérer à Jésus de renvoyer chez eux cette foule qui les avait suivis  trois jours durant. Car l’un d’entre eux disait : «« L’endroit est désert et déjà l’heure est tardive ; renvoie donc les foules, qu’elles aillent dans les villages s’acheter des vivres.(V14).Comme si cette foule s’était mise par elle-même dans cette situation plus qu’embarrassante aux yeux des disciples. Ce qui n’est certes pas l’avis de leur maître qui saisit l’occasion pour servir la gloire de Dieu. Ce qui nous renvoie à la réponse qu’il fit aux sœurs de Lazare: « Cette maladie n’aboutira pas à la mort, elle servira à la gloire de Dieu : c’est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié. »( Jn 11.4). 

Mes chers amis en Christ, pouvons-nous imaginer un tel comportement dans notre église ? Sommes-nous capables de refuser assistance à ceux qui en ont besoin sous prétexte que ce n’est pas le moment ou ce n’est le bon endroit ou que sais-je encore ?  

C’est notre devoir de venir en aide aux nécessiteux bien que parfois cela se résume à des réconforts verbaux, certaines demandes dépassant largement nos compétences. C’est logique puisque  nous aussi,  nous aimerions certainement trouver des mains tendues en cas de difficulté, d’autant plus que personne ne peut prétendre être à l’abri des zones de turbulences. D’ailleurs, le Christ ne nous enjoint-il pas dans le deuxième plus grand commandement à aimer notre prochain comme nous-même. « Jésus lui déclara : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est là le grand, le premier commandement. Un second est aussi important : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » ( Mt 22). « L’endroit est désert» soulignent les disciples. Effectivement, l’aridité touche aussi bien le spirituel que le matériel, c’est la raison pour laquelle les premières églises chrétiennes se structurèrent afin de pouvoir apporter des réponses aux problèmes sociaux dans les communautés ( Actes 6). Des siècles après cette histoire, la  pauvreté continue à se  répandre dans notre société sous divers aspects mais tous suscitent de grandes inquiétudes pour l’avenir. Le nombre des laissés pour compte ne cesse de croître, ils envahissent  notamment les villes,  l’espoir d’y trouver une vie meilleure en est la cause Lorsque Jésus a pris en charge cette foule presque affamée, rien  n’a été exigé d’eux, et pourtant ils ont été tous rassasiés, certainement soulagés aussi de leur maux. Jésus, celui qui est l’incarnation de la parole de Dieu, guérit. Cela n’a rien d’anormal si on sait que c’est par le verbe que Dieu créa tout l’univers, ce que l’évangile de Jean précise comme suit :   « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement tourné vers Dieu. Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. » (Jn 1).Aujourd’hui, les prières de guérisons sont affichées, programmées. Des prophètes autoproclamés en assurent la réalisation. Sauf que contrairement à Jésus leur intervention n’est jamais désintéressée. Dans les pays pauvres où se soigner devient de plus en plus un luxe pour la majorité des gens, les nouvelles églises aux appellations extravagantes ont le vent en poupe. Dans les endroits où elles se sont implantées, le gigantisme de certains de leurs rassemblements n’étonne plus vraiment personne. Tandis que les pasteurs, ou selon la communauté les prophètes, affichent sans complexe leur aisance matérielle. Or si on ne peut pas nier des changements de vie parmi les adhérents, cela n’en reste pas moins marginal, la grande majorité appartient à la classe populaire. A propos de la multiplication des pains par Jésus dont on relève quelques  épisodes dans les évangiles,  le sens spirituel que  l’on peut lui donner est dense : elle peut déjà être vue comme la préfiguration du grand banquet de Dieu dans la vie éternelle, c’est une incitation à  se contenter de ce qu’on possède et d’en rendre grâce, elle pousse à avoir confiance en Dieu qui sait toujours faire fructifier et multiplier ce qu’il nous donne, etc. En outre, ces épisodes mettant en scène une foule guettée par la faim, mais certainement aussi par la soif dans un milieu hostile par son aridité, nous font penser à ces millions de gens contraints à se déplacer au gré de l’avancement de la sécheresse, la terre ne pouvant plus être exploitée, créant ainsi de nouveaux types de migrants, climatiques. Un récent reportage tourné dans le sud de Madagascar, la zone la plus sèche de la grande Île, parle pour la première fois de déplacés climatiques, la sécheresse ayant connu une avancée sans précédent ces dernières années. En donnant l’ordre à ses disciples dubitatifs de distribuer la nourriture : « Ils n’ont pas besoin de s’en aller. Vous allez leur donner vous-mêmes à manger. » (V 16),  Jésus semble vouloir leur faire  découvrir à quel point leur contribution est précieuse dans l’exécution de tous les projets de Dieu pour l’humanité.   L’Eglise à la fois en tant qu’ Institution que paroisse locale a un grand rôle à jouer dans les aides qu’on doit apporter aux pauvres tant matériellement  que spirituellement.  Cependant, l’efficacité de cette mission repose sur une organisation rigoureuse « Faites-les s’installer par groupes d’une cinquantaine » dit le Christ à ses disciples. Rien ne devrait se faire dans le désordre ou l’improvisation. 

Aujourd’hui, plus que jamais la pauvreté reste un sujet crucial pour la plupart des pays du monde. Etant chrétiens nous devons être conscients des missions qui nous incombent. Si bien que la question à laquelle chacun de nous doit répondre, ce n’est pas ce que Dieu peut faire pour le monde, pour la société, pour notre église,  mais plutôt ce que nous pouvons faire pour Lui.  En ces temps de carême, puisse cette joie qui nous envahit déjà à l’approche de Pâques modifier notre état d’esprit, nous pousser à aller vers les autres, à être avec tous ceux qui ont fait leur priorité de l’entraide et de la solidarité. 

AMEN

Pasteur Marc RAKOTOARIMANGA , Fpma Melun

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